Alors que l'actualité s’alourdit chaque jour d'un macabre décompte du nombre de réfugiés morts en tentant de passer les frontières européennes, il est utile de se demander comment l'UE en
est arrivée là. C'est la démarche que proposait déjà le Dessous des Cartes en décembre 2013 avec l'émission "UE, migrants,
frontières" (voir vidéo ci-dessous).
En parallèle se pose la question du traitement médiatique de cette actualité et plus particulièrement de la bataille des mots et des images. Entre instrumentalisation de notions comme
"réfugié" ou "migrant" et analyses complotistes autour des photos chocs de ces gens fuyant la guerre et le chaos comment garder un esprit critique et un tant soit peu objectif ?
C'est le propos d'une autre émission du Dessous des Cartes qui revenait en 2007 déjà sur "Une histoire du droit
d'asile". C'est aussi la mise au point du UNHCR qui souligne l'importance de comprendre qui sont les "migrants" et les
"réfugiés" :
- "La confusion entre les réfugiés et les migrants peut avoir des conséquences graves sur les vies et la sécurité des
réfugiés. Interchanger les deux termes détourne l'attention de la protection juridique précise dont les réfugiés ont besoin. Cela peut saper le soutien de la population pour les réfugiés et
l'institution de l'asile à un moment où, plus que jamais auparavant, les réfugiés ont besoin d'une telle protection. Nous devons traiter tous les êtres humains avec respect et dignité. De plus,
nous devons nous assurer que les droits fondamentaux des migrants sont respectés. Par le fait même, nous devons également agir de façon juridiquement appropriée en ce qui concerne les réfugiés,
en raison de leur situation particulière".
A voir aussi la polémique née autour d'un dessin du dessinateur de presse Chaunu qui démontre
une nouvelle fois l'importance d'éduquer au décryptage des dessins et photos dans un monde connecté où le buzz prend le pas sur l'intelligence. C'est en substance l'analyse du
philosophe Michel Onfray :
- "Chacun connaît l’adage chinois : « Quand le sage montre la lune, l’idiot regarde le doigt ». Quand votre dessinateur Emmanuel Chaunu, qui est aussi mon
ami, dessine l’enfant kurde échoué sur une plage turque avec pour texte : « Rentrée des classes », il faut comprendre que, pendant que nos enfants effectuent leur rentrée scolaire en
paix, d’autres sur la planète n’ont pas cette chance et que ce petit garçon mort, le visage enfoui dans le sable, nous le rappelle tragiquement.
C’était un dessin de compassion pour l’enfant et d’ironie sur nous mêmes, nous qui nous prenons pour le centre du monde avec nos problèmes mesquins.
Les idiots ont été légion qui ont crié à ce contre quoi on crie désormais sur les réseaux sociaux : racisme, lepénisme, xénophobie, beaufitude, etc. Menace de mort, insultes, invectives,
l’habituelle panoplie.
Or dans une civilisation où le fou a autant le droit de donner son avis que le sage, sinon plus, la loi est faite par la majorité qui est moins constituée de sages que de fous.
Le normand Marcel Duchamp a dit un jour : « C’est le regardeur qui fait le tableau ». Il ouvrait ainsi grand la porte à l’art contemporain. Autant dire que si le
regardeur est un sage, il verra sagement ce que le sage y a mis ; en revanche, si le regardeur est un sot, il regardera sottement et il verra bêtement la sottise qu’il y met.
Un dessin de presse suppose toujours des prérequis : de l’intelligence, de l’humour, de la subtilité, de la culture, des références. Emmanuel Chaunu n’en manque jamais ; chez ses regardeurs
tout ou partie de cela peut hélas faire défaut.
Quand le sot ne voit dans le dessin que ce qu’il y met et que ce qu’il y met est aussi pauvre que lui, le dessin lui paraît pauvre. Est-ce la faute du dessin ? Oui dit le fou. Mais le
sage sait bien que non".